Survivants du génocide arménien rapatriés à Jérusalem en avril 1918 - Crédit : agbu via Flick'r
La proposition de loi pénalisant la négation des génocides dont
le génocide arménien continue de faire des remous. Mais que sait-on au
juste de cet évènement et pourquoi la Turquie rejette si fortement le
terme de génocide ?
A la veille de la grande guerre, la décadence de l’empire ottoman s’accélère. Pour consolider son pouvoir, le sultan Abdul-Hamid II attise les haines religieuses, à l’instar des derniers tsars de Russie.
Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer 200 à 250 000 avec l’aide des montagnards kurdes.
Un million d’Arméniens sont dépouillés de leurs biens et des milliers sont convertis de force. Des centaines d’églises sont brûlées ou transformées en mosquées… Le sultan tente de s’imposer en chef spirituel des musulmans en tant que calife. Mais il est déposé en 1909 par le mouvement des Jeunes-Turcs. Ces derniers lui reprochent de livrer l’empire aux appétits étrangers et de favoriser les Arabes.
2. Des tueries poursuivies par les Jeunes-Turcs
Les Jeunes-Turcs installent au pouvoir un Comité Union et Progrès
dirigé par Enver Pacha, et désignent un nouveau sultan, Mohamed V. Le
nouveau pouvoir donne au pays une Constitution laïque… ainsi qu’une
devise empruntée à la France: « Liberté, Égalité, Fraternité ». Mais leur idéologie s’appuie sur un nationalisme exacerbé et notamment le « touranisme ».
Cette idéologie prône l’union de tous les peuples de langue turque ou assimilée, partout dans le monde et jusqu’en Chine : Anatolie, Azerbaïdjan, Kazakhstan… Cette doctrine s’appuie aussi sur une vision racialement homogène de la nation turque. Dès 1909, les Jeunes-Turcs s’attaquent aux Arméniens d’Asie : entre 20 000 et 30 000 d’entre eux sont tués à Adana le 1er avril 1909.
La guerre déclarée par le sultan le 1er novembre 1914 leur donne l’occasion de mettre en place leur projet d’épuration ethnique. Sous prétexte de déplacer les populations pour des raisons militaires, les Arméniens sont déportés vers Alep (en Syrie) dans des conditions telles que la plupart meurent en chemin.
Puis les massacres seront encore plus directement ordonnés. En 1914, le ministre de l’Intérieur Talaat Pacha ordonne l’assassinat des Arméniens d’Istanbul puis des Arméniens de l’armée, avant de s’attaquer aux Arméniens des sept provinces orientales.
Le télégramme du ministre à la direction des Jeunes-Turcs de la préfecture d’Alep est édifiant :
Après la guerre, le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920 entre les Alliés et l’empire ottoman, prévoit la mise en jugement des responsables du génocide.
L’arrivée au pouvoir le 1er novembre 1922 de Moustafa Kémal (surnommé plus tard Atatürk, « père des Turcs« ) entraîne une amnistie générale, le 31 mars 1923. Il faut dire que de nombreux fondateurs de la nouvelle République sont issus du mouvement des Jeunes-Turcs et Kémal ne souhaite évidemment pas se fâcher avec eux.
Depuis cette époque, la République turque ne nie pas la réalité des massacres mais en conteste la responsabilité et surtout rejette le terme de génocide. Il s’agit pour la Turquie actuelle d’une cruelle conséquence de la guerre, mais pas d’un acte prémédité et formalisé.
Aujourd’hui encore, de nombreux hommes politiques turcs sont issus du mouvement des Jeunes-Turcs, d’où leur réticence à revenir sur cet épisode qui met en lumière la responsabilité de leur parti politique.
Par ailleurs, reconnaître le génocide arménien implique des enjeux financiers et territoriaux pour la Turquie. La reconnaissance du génocide ouvrirait la voie à des demandes de dommages-intérêts pour les préjudices humain, moral et matériel, comme ce fut le cas pour l’Allemagne après la Shoah.
Le pays pourrait aussi être forcé de restituer des territoires à l’Arménie, ce dont le gouvernement d’Ankara ne veut bien sûr pas entendre parler…
1. Un massacre débuté au XIXe siècle
Le génocide arménien a eu lieu d’avril 1915 à juillet 1916 et a coûté la vie à un million deux cent mille Arméniens, soit les deux-tiers de la population arménienne vivant en Turquie à l’époque. C’est l’un des premiers génocides du XXe siècle. Mais les exactions contre les Arméniens avaient commencé dès la fin du XIXe siècle.A la veille de la grande guerre, la décadence de l’empire ottoman s’accélère. Pour consolider son pouvoir, le sultan Abdul-Hamid II attise les haines religieuses, à l’instar des derniers tsars de Russie.
Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer 200 à 250 000 avec l’aide des montagnards kurdes.
Un million d’Arméniens sont dépouillés de leurs biens et des milliers sont convertis de force. Des centaines d’églises sont brûlées ou transformées en mosquées… Le sultan tente de s’imposer en chef spirituel des musulmans en tant que calife. Mais il est déposé en 1909 par le mouvement des Jeunes-Turcs. Ces derniers lui reprochent de livrer l’empire aux appétits étrangers et de favoriser les Arabes.
2. Des tueries poursuivies par les Jeunes-Turcs
Les Jeunes-Turcs installent au pouvoir un Comité Union et Progrès
dirigé par Enver Pacha, et désignent un nouveau sultan, Mohamed V. Le
nouveau pouvoir donne au pays une Constitution laïque… ainsi qu’une
devise empruntée à la France: « Liberté, Égalité, Fraternité ». Mais leur idéologie s’appuie sur un nationalisme exacerbé et notamment le « touranisme ».Cette idéologie prône l’union de tous les peuples de langue turque ou assimilée, partout dans le monde et jusqu’en Chine : Anatolie, Azerbaïdjan, Kazakhstan… Cette doctrine s’appuie aussi sur une vision racialement homogène de la nation turque. Dès 1909, les Jeunes-Turcs s’attaquent aux Arméniens d’Asie : entre 20 000 et 30 000 d’entre eux sont tués à Adana le 1er avril 1909.
La guerre déclarée par le sultan le 1er novembre 1914 leur donne l’occasion de mettre en place leur projet d’épuration ethnique. Sous prétexte de déplacer les populations pour des raisons militaires, les Arméniens sont déportés vers Alep (en Syrie) dans des conditions telles que la plupart meurent en chemin.
Puis les massacres seront encore plus directement ordonnés. En 1914, le ministre de l’Intérieur Talaat Pacha ordonne l’assassinat des Arméniens d’Istanbul puis des Arméniens de l’armée, avant de s’attaquer aux Arméniens des sept provinces orientales.
Le télégramme du ministre à la direction des Jeunes-Turcs de la préfecture d’Alep est édifiant :
« Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l’âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n’ont pas leur place ici. »Une « loi provisoire de déportation » du 27 mai 1915 fixe le cadre réglementaire de la déportation des survivants ainsi que de la spoliation des victimes.
3. Une réalité niée pour raisons politiques
Le gouvernement allemand, allié militaire de la Turquie, censure alors les informations sur le génocide. Et pour cause : l’Allemagne a placé durant le conflit pas moins de 12 000 hommes dans le pays. Ce n’est pas le moment de déstabiliser ce soutien stratégique.Après la guerre, le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920 entre les Alliés et l’empire ottoman, prévoit la mise en jugement des responsables du génocide.
L’arrivée au pouvoir le 1er novembre 1922 de Moustafa Kémal (surnommé plus tard Atatürk, « père des Turcs« ) entraîne une amnistie générale, le 31 mars 1923. Il faut dire que de nombreux fondateurs de la nouvelle République sont issus du mouvement des Jeunes-Turcs et Kémal ne souhaite évidemment pas se fâcher avec eux.
Depuis cette époque, la République turque ne nie pas la réalité des massacres mais en conteste la responsabilité et surtout rejette le terme de génocide. Il s’agit pour la Turquie actuelle d’une cruelle conséquence de la guerre, mais pas d’un acte prémédité et formalisé.
Aujourd’hui encore, de nombreux hommes politiques turcs sont issus du mouvement des Jeunes-Turcs, d’où leur réticence à revenir sur cet épisode qui met en lumière la responsabilité de leur parti politique.
Par ailleurs, reconnaître le génocide arménien implique des enjeux financiers et territoriaux pour la Turquie. La reconnaissance du génocide ouvrirait la voie à des demandes de dommages-intérêts pour les préjudices humain, moral et matériel, comme ce fut le cas pour l’Allemagne après la Shoah.
Le pays pourrait aussi être forcé de restituer des territoires à l’Arménie, ce dont le gouvernement d’Ankara ne veut bien sûr pas entendre parler…
Source : Ca m interesse
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